Josefa Raymond Gauthier, femme d’action

Josefa Raymond Gauthier, femme d’action

Ancienne ministre de la Planification, ancienne ministre des Affaires sociales, actuelle Chairman à la Fondation Digicel, Josefa Gauthier a traîné sa bosse tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Avec elle, fini les discussions inutiles ou oiseuses. Les réunions chronophages. Les phrases extraordinaires, ou les discours de quatre pages. Elle veut l’action etles résultats. Pas le blablabla. C’est une professionnelle qui constamment regarde vers l’avenir, les possibilités et qui préfère s’impliquer pour aider à construire au lieu de critiquer. Sans broncher, elle dira: « Moi, je suis un rassembleur, un artisan de paix. Je crois qu’il est temps que tous les Haïtiens se mettent ensemble pour réussir, car on est au bord du précipice. »

Elle s’appelle Josefa. Josefa avec un J muet. À l’instar de Josefa Espejo Merino (Sánchez), l’une des femmes d’Emiliano Zapata. Ce nom, choisi par ses parents qui ont pendant longtemps vécu au Mexique, de temps à autre, elle devait en clarifier la prononciation. Cependant, c’est en Haïti qu’elle est née, en août 1958. Toutes ses classes faites chez les sœurs de Sainte-Rose de Lima entre 1962 et 1975. « C’est de là que m’est venue la passion pour le social. Déjà, en troisième, je consacrais mes dimanches à rencontrer les élèves qui habitaient du côté de Saint-Antoine. J’essayais de leur apprendre à lire et leur faisais des cours de catéchisme. »

Ses parents sont ses premiers mentors; ses illustres modèles lui ap- prennent les vraies valeurs de la vie. Adrien Raymond, son père, a été diplomate toute sa vie. « Il a toujours été un homme de consensus. Chez moi, on ne parlait pas fort, on a toujours priorisé le dialogue. Edeline, ma mère, a un moral d’acier et un grand optimisme. Elle est toujours en train de m’encourager, de me dire : ‘‘Josefa, tu peux, en avant !’’ » À eux deux, ils m’ont inculqué le sens du partage. Notre table était ouverte à tous et ils aidaient toujours les autres. Pour eux, l’argent n’est rien, les valeurs de la vie, c’est ce qui importait vraiment. Et toujours ils disaient: « Ce que tu donnes aux autres, le Bon Dieu te le remet au centuple », se rap- pelle-t-elle.

Grande lectrice, les livres sont ses meilleurs amis. Elle aime beau- coup Guillaume Musso, Henry Troyat, René Depestre, Aimé Césaire. Mais son auteur préféré est Jaques Stephen Alexis. « Tu ne peux pas imaginer comment je l’aime. Il me fait rêver », avoue-t-elle avec un sou- rire candide et rayonnant. Avec son sens de l’imagination et sa grande capacité à rédiger, ses profs prédisent qu’elle serait écrivaine. De fait, après la terminale, elle part étudier la philosophie et les lettres espa- gnoles à Madrid. En 1976, elle se rend à Lausanne, en Suisse, où pen- dant trois ans elle étudie la gestion hôtelière. À Eckerd College, à Saint Petersburg, en Floride, elle apprend le marketing. De retour en Haïti en 1980, elle entre à la Faculté de droit et des sciences économiques et décroche sa licence en droit. « J’ai beaucoup aimé mes études de droit, mais je n’ai jamais exercé. En sortant de la Faculté de droit, j’ai été dans un procès. Ce n’était pas vraiment des avocats qui défendaient la veuve et l’orphelin. Et je me suis dit que s’il me fallait gagner de l’argent comme cela, je ne le pourrais pas. Ce n’était pas mon idéal. »

Ancienne joueuse de tennis, le sport lui insuffle de l’optimisme et lui donne l’impression de pouvoir toujours gagner. Elle sait bien qu’elle pourra exceller, quelle que soit la discipline qu’elle aura choisie. Mais la jeune fille cherche encore sa vocation. Un jour, son cousin, le Dr Ronald Laroche, lui propose de devenir directrice commerciale de la Mutuelle Procare, une branche de Développement des activités de santé en Haïti (DASH) qu’il lançait à peine. Il a bien vu son énergie et sa passion pour le social et pense qu’elle est la personne appropriée pour ce poste. Elle accepte volontiers. « J’ai beaucoup aimé mon travail parce que j’étais en contact avec la population, je devais tous les matins sortir pour rencontrer les patrons d’entreprise, pour faire le marketing pour le programme, revenir dans l’après-midi pour en contrôler la réalisation, rencontrer les employés des entreprises enrôlées et recevoir leurs doléances. Mes journées étaient vraiment chargées. » Elle y est restée pendant 16 ans.

Pendant la transition entre 2004 et 2006, à la suite d’une entrevue, elle devient le neuvième membre du Conseil électoral provisoire. « Je me suis dit que, dans un conseil électoral, il y a la possibilité d’amener une neutralité et une technicité qui puissent permettre d’avoir des élections cré- dibles et honnêtes. J’ai eu la chance d’avoir des conseillers qui partageaient la même vision que moi et je crois que ces élections que nous avions réali- sées étaient très acceptables. »

Les élections terminées, on s’ennuie un peu. Très active, elle ne peut rester sans rien faire. Josefa postule pour un poste à la Digicel, et devient la présidente exécutive de la Fondation Digicel. Cette fonceuse se met tout de suite au travail. Elle est consciente que l’éducation mobi- lise une grande partie des ressources des ménages haïtiens, et que dans certaines communautés les enfants doivent traverser des kilomètres pour arriver à une école. De plus, elle a toujours été convaincue qu’« il faut travailler pour effacer les inégalités en matière d’éducation pour que tous les Haïtiens aient accès aux mêmes opportunités ». Avec les autres membres du conseil, la fondation décidera de construire des écoles, sur- tout dans les zones qui n’en possèdent pas.

La première école est construite en trois mois à Ganthier. Neuf salles de classe, une direction, une cuisine entièrement meublée. Lors de sa visite, monsieur Denis O’ Brien est tellement content qu’il lui dit: « Je donne de l’argent pour construire vingt écoles à travers tout le pays. Deux par départements. Et débrouille-toi, à la fin de l’année, je veux les inaugurer toutes. Je les ai construites », relate-t-elle fièrement. Elle est restée CEO pendant cinq ans. Et, actuellement, elle est Chairman à la Fondation Digicel.

Un passage en politique

De 1985 à 1987, Josefa est chargée de projets au ministère de la Planification et de la Coopération externe. En 2011, Josefa Raymond Gauthier est nommée directrice générale du Fonds d’assistance éco- nomique et sociale (FAES). Puis, en 2012, elle devient ministre de la Planification et de la Coopération externe. Et un peu plus tard, la même année, ministre des Affaires sociales et du Travail. C’est peut-être le fauteuil ministériel qui lui marquera le plus. « Quand on est aux Affaires sociales, on est vraiment en contact avec la population, en contact avec ses problèmes d’enterrement. Ses problèmes de loyers. Ses problèmes de tous les jours. On est sollicité à chaque minute. Tandis qu’au ministère de la Planification, on planifie », termine-t-elle avec ce même éclat de rire qui ponctue de temps à autre la conversation. Mais quand elle n’a pas été retenue après un remaniement ministériel en janvier 2013, elle a passé un bon bout de temps à se demander ce qui s’était passé. « Parce que, moi, je suis certaine que je suis une personne qui peut délivrer, une personne tournée vers les résultats. J’aime avoir des défis et les relever de manière quantitative », avoue-t-elle encore, marquée par ce souvenir pas tout à fait reluisant.

En 2015, elle figurait parmi les six femmes qui voulaient se porter candidates à la présidence. « J’ai reçu beaucoup de demandes de la part de beaucoup de délégations, qui m’ont dit qu’elles voyaient l’avenir d’Haïti jumelée à travers un projet social ; qu’elles voyaient en moi un partenaire privilégié pour défendre leurs intérêts. » Malheureusement, sa candida- ture avait été rejetée faute de décharge, regrette-t-elle.

Avec passion, elle décrit son attachement aux jeunes, son amour pour les enfants. Dommage que ses trois garçons fassent encore la forte tête au lieu de lui donner les petits enfants qu’elle souhaite tant avoir. Ouverte, conciliante, Josefa aime parler, adore rencontrer les gens.

« Et si je devais faire un travail dans une banque, je serais la femme la plus malheureuse du monde. Pourtant, mes parents imaginaient toujours que je ferais une carrière de banquière. Vraiment, je ne m’imagine pas », assure cette cinéphile, qui prend plaisir à voyager, visiter le pays. Les réunions de famille, les amis, les voyages, les visites dans les musées, les promenades en voiture sont des petites choses qui lui plaisent gran- dement. Il faut aussi ajouter les desserts et le chocolat: « Ah, c’est mon vilain petit défaut. » Pourtant, elle a toujours été potelée, donc toujours accro aux régimes toute sa vie. « J’ai une garde-robe qui est comme un éventail. J’y trouve pour tous les moments. Parce qu’il y a quand tu grossis, quand tu maigris, quand tu es plus ou moins », ironise-t-elle.

En général, elle est de bonne humeur. Mais faut pas se tromper, c’est une femme directe qui n’a pas peur de balancer les vérités en plein visage. Impatiente et toujours pressée, Josefa avoue pouvoir rendre fous ses collaborateurs quand elle veut obtenir des résultats. « J’ai tendance à toujours vouloir que tout se fasse demain matin », confesse cette dame qui, pourtant, ne rechigne pas pour partager ses connaissances et expé- riences, surtout avec les jeunes.

Malgré son parcours bien réussi, elle ne se fourvoie pas. Pour les femmes, tout est toujours plus difficile dans ce pays. Grande conseil- lère, son mot pour les femmes qui veulent réussir se résumera en une règle cardinale incontournable, selon elle, dans notre pays: « Lorsque tu es une femme qui veut réussir, il faut être toujours très professionnelle et ne jamais confondre travail, amitié et/ou amour. Car à partir du moment où cette ligne de démarcation a été franchie, à partir du moment où tu sors de ton professionnalisme, tu es foutue », lâche Josefa.

Le Nouvelliste | Publié le 27 août 2015

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