Simone Audant Ambroise, la femme de Kay Atizan

Simone Audant Ambroise, la femme derrière Kay Atizan

Simone Audant Ambroise, la femme de Kay Atizan

L’artisanat est l’une des plus belles vitrines qu’Haïti offre au monde. Une de nos plus belles cartes de visite. Un secteur porteur dans lequel Simone Audant Ambroise s’investit depuis une dizaine d’années. Ici, à Pétion-ville, elle tient Kay Atizan, la maison des artisans. Un magasin haut de gamme qui permet à la clientèle locale ou aux visiteurs de passage d’apprécier notre art, de valoriser nos talents, mais aussi et surtout qui permet aux artisans d’écouler leurs produits en leur assurant ainsi un revenu appréciable afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Difficile d’entrer dans son magasin et de ne pas vouloir repartir avec au moins un article. Bien achalandé, on y trouve un peu de tout. Nappes brodées, produits en papier mâché, fer découpé, corne de bœuf. Les pièces des meilleurs artisans d’un peu partout à travers le pays se côtoient. L’intérieur décoré avec goût capte le regard et incite à délier les cordons de la bourse. Les manières affables et chaleureuses de la maîtresse des lieux en font autant. De même que celles de ses deux assistantes. En général, elle est présente à son magasin tous les jours de la semaine. Pourtant, autant elle adore travailler, autant elle aime voyager. Aussi, dès qu’un long week-end se profile à l’horizon, elle planifie un séjour en province avec son mari Patrick Ambroise et sa famille.

Élevée dans une famille nombreuse – ils étaient neuf à la maison- Simone trouve déjà au sein du carcan familial un terreau fertile pour développer son leadership. Car, toute jeune, elle adore diriger et exer- cer son autorité sur les plus jeunes. À la voir si gaie et si causante, on peine à croire quand elle dit : « Moi j’ai toujours été la plus timide et la plus sage. »

Simone grandit dans une atmosphère équilibrée. Une famille où règnent rigueur et générosité. Sa mère, qui porte le même prénom qu’elle, est une femme pieuse qui prend plaisir à donner aux pauvres comme aux riches. Son père, c’est Ti Boul Audant, un ancien joueur de football haïtien, un agronome qui s’est reconverti dans le travail de fer forgé après qu’il fut obligé de quitter la Faculté d’agronomie où il ensei- gnait sous Duvalier. Simone fait ses classes à Sainte-Rose de Lima. Puis, sur les conseils de sa tante, s’inscrit vers l’École normale de jardinières d’enfant de Marie-Thérèse Colimon Hall. Elle suit les cours pendant deux ans et en sort lauréate de sa promotion. Ce qui lui vaut de recevoir une bourse pour aller étudier en Espagne en 1974.

Après sa formation, elle retourne au pays et travaille comme res- ponsable du jardin d’enfants de Sabine Boisson pendant un an. Puis, elle part au Canada où elle poursuit sa carrière dans l’enseignement prés- colaire. Au départ des Duvalier, elle, son mari et leurs enfants rentrent au pays. Son oncle lui demande de venir l’aider à diriger son atelier de perlage. Elle accepte volontiers. Ainsi, pendant dix ans, elle coadmi- nistre avec son oncle Gérard Denis cette petite manufacture à Martis- sant où des dizaines de femmes préparent des pièces perlées destinées à l’exportation. Durement touché par l’embargo des années 90, l’atelier bat de l’aile et ils finissent, conjoncture oblige, par mettre la clé sous la porte vers les années 2000.

À ce moment, elle et son mari choisissent d’investir dans le secteur du transport. Puis un jour une amie la contacte pour lui proposer d’accompagner une designer américaine avec une organisation dénommée Aide aux artisans qui était à la place Boyer. Elle y reste pendant trois ans. Ayant un flair pour ce qui est de l’artisanat, son travail est grande- ment apprécié aussi bien par ces employeurs que par les artisans.

À la fermeture de Aide aux artisans, Simone se sent concernée par ce qu’il adviendra des nombreux artisans avec lesquels elle a travaillé

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Simone Audant Ambroise et pour lesquels cette institution représentait un moyen sûr d’écouler leurs produits. De plus, elle a du mal à se détourner de cette industrie pour laquelle elle se passionne. C’est ainsi que le 8 décembre 2006, elle ouvre Kay Atizan. « Tout de suite, cela a été le grand succès. J’avais non seulement les artisans de mon côté, mais aussi le milieu des ambassadeurs, le corps diplomatique », confie-t-elle souriante et satisfaite.

Depuis, cette clientèle avisée et fortunée ne l’a point quittée. Ceux de la classe moyenne, les étrangers de passage en Haïti, ou les simples amants de l’art ont emboîté le pas aux premiers. « On vient ici tout le long de l’année pour trouver un petit souvenir de voyage, ou simplement pour trouver un cadeau. » Pourtant les obstacles sont légions. Plusieurs magasins qui étaient dans le même domaine qu’elle ont dû fermer leur porte. « L’artisanat comme tous les autres secteurs attendent une amé- lioration des conditions de vie : électricité, eau, rues propres et entrete- nues … et un État qui pense accompagner ses contribuables ! Toutefois, le plus grand obstacle, mise à part l’instabilité politique qui ralentit le flot des éventuels visiteurs (touristes ou diaspora) c’est avant tout la précarité des conditions de vie des artisans qui trop souvent attendent que KAY ATIZAN soit leur banque, alors que nous sommes une entreprise privée, fonctionnant au rythme des achats de notre clientèle ! Difficile de ne pas comprendre leurs besoins et de ne pas tenter de les supporter tant bien que mal… et parfois même en renouvelant un stock au-delà du nécessaire. »

Mais elle tient encore le coup. Son secret. « D’abord, je crois que l’une des choses qui m’ont permis de tenir est la passion. De plus, je suis très exigeante, extrêmement sévère envers moi-même et envers les artisans. J’encourage l’artisan à faire le meilleur produit qui soit pour que moi, de mon côté, je puisse avoir les meilleures ventes possibles. Les clients, quand ils viennent chez moi, ont l’assurance de trouver des pièces originales et de qualité, vu que je ne supporte que l’excellence. De cette manière, je satisfais à la fois l’artisan qui peut continuer son travail, et le client qui voudra bien retourner pour d’autres achats », explique Simone, qui s’assure de trouver un équilibre entre les intérêts des artisans et celui des clients.

Toujours partante pour l’innovation, Simone a un instinct sûr en affaires. Elle anticipe un peu sur les œuvres que le client voudra bien emporter chez lui. « Il y a entre l’artisan et moi une grande complicité. Dès fois, quand un artisan vient, il m’arrive de lui fournir des conseils pour améliorer son travail. Ensemble, nous créons des produits, essayons de faire des choses originales en mélangeant de manière harmonieuse les matériaux, les couleurs », signale cette femme qui est aussi créatrice à ses heures.

Avec une centaine de fournisseurs différents à travers tout le pays, l’objectif de Simone est simple, faire de sa boutique une maison pour les artisans, ouverte tout au long de l’année à tous ceux qui s’amourachent des œuvres made in Haïti. « Avec patience et sagesse, j’essaie de jongler entre un manque de revenus et un geste de compassion… mais je me bats aussi pour élargir ma clientèle en proposant nos produits à l’export ou encore à des grossistes », explique Simone soucieuse de ne pas se laisser abattre par les difficultés.

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